Quand je me réveillais
au gré des autobus,
qui dès potron-minet,
partaient du terminus,
et qu'en demi-sommeil,
je sentais le café,
préparé de la veille,
que Mémé réchauffait,
je n'imaginais pas
qu'55 ans plus tard,
un moment comme cela
me resterait en mémoire...
Et puis les bruits aussi,
surtout ceux d'la maison,
pourquoi s'en souvient-on?
le robinet qui goutte,
par Tonton mal fermé,
pressé de s'en aller,
par crainte de rater
le meilleur de ses cours.
Les bisous très discrets,
'' à ce soir, travaille bien'',
la porte se fermer,
et de nouveau plus rien,
juste le temps pour moi,
de m'cacher sous les draps,
pour reprendre mes rêves,
mais pour une durée brêve,
car on tirait la chasse,
ça fait du bruit hélas!
Cette fois c'était Tata,
c'était pas rigolo
elle m'arrachait mon drap,
se sauvait aussitôt,
attrapait son cartable,
qui traînait sur la table,
me faisait un pied de nez,
puis évitant Mémé,
qui criait après elle,
sortait, claquant la porte,
nous laissant derrière elle.
Là, Mémé attendrie,
par mon air contrit,
me prenait dans ses bras,
promettant mille morts
à l'enfant rénégat,
sitôt qu'il rentrerait,
sachant pertinament,
depuis longtemps déjà,
que tout s'rait oublié :
et oui l'amour c'est çà.
Puis fallait se lever,
et aussi se laver,
sous l'eau du robinet,
dans la vieille cuisine
grande comme une usine,
que Mémé réchauffait
en allumant le gaz,
et oui je sais c'est naze!
Mais dans mon souvenir,
y'a pas d'chauffage central,
un ''Gaudin'' doit suffire,
et c'est déjà pas mal!
La torture terminée,
enfin devant la table :
le petit déjeuner :
et là c'est formidable!
Elle n'a rien oublié :
pain, confiture et gelée,
le café et le lait,
sûr je vais m'régaler!
''plus tard, nous sortirons
faire les commissions''
dit-elle...
mais le charme est rompu,
je n'suis plus dans ma rue,
je suis vieille, je suis moche,
j'reste là comme une cloche,
Mémé je t'aimais bien...
pourquoi es-tu si loin?