Il était une fois, dans un orphelinat sombre et glacial, situé à la sortie d'un village de campagne, un petit garçon triste. Jamais personne ne l'avait vu rire ni même sourire, ne serait-ce qu'une seule seconde. Oh! Il ne pleurait pas! Il ne se plaignait pas non plus, non! Non!, il était là, toujours obéissant, toujours sérieux. Les professeurs, inquiétés par la morosité de ce petit garçon, le prirent en pitié; ils l'interrogeaient sans cesse afin de savoir ce qui se passait dans sa tête, mais l'enfant ne répondait pas aux questions et gardait au fond de lui ce qui le chagrinait tant.
Tous les soirs, alors que dans le dortoir, les autres petits orphelins dormaient, il restait à genou sur son petit lit, à regarder la campagne, par la fenêtre grillagée. De temps en temps, il fermait les yeux et s'imaginait qu'il avait un papa, une maman et une ribambelle d'oncles, tantes, cousins et cousines, et quand il fermait les yeux encore plus fort, il se voyait dans une grande maison peinte en vert avec des rayures orange et jaunes; quelle était grande cette maison! et tout autour, dans la prairie, évoluaient des animaux de toute sorte, comme il en avait vu dans ses livres de science: il y avait des lions, des tigres, des éléphants, des chevaux, des singes grands et petits et même, il pouvait distinguer dans un bassin, deux jolies otaries, qui se lançaient un gros ballon multicolore avec leur museau pointu.
Et les jours passaient, toujours aussi tristes pour le petit garçon, les professeurs de l'orphelinat tentaient encore de dérider l'enfant, mais lui, attendait la nuit, que tout le monde soit endormi, pour replonger dans son merveilleux rêve. Cela dura des semaines et des semaines, puis arriva Noël. Alors que le petit garçon triste regardait par la fenêtre comme chaque soir, il distingua une lueur, d'abord très lointaine et très douce et qui devint peu à peu une grande lumière éclatante, illuminant le dortoir tout entier.
Le lendemain matin, le lit du petit garçon triste était vide, on chercha l'enfant partout, dans l'enceinte de l'établissement ainsi que dehors, personne ne le trouva. Les autorités furent prévenues, mais rien n'y changea: l'enfant avait bel et bien disparu.
A la fin de la journée, un cirque vint s'intaller sur la place du village et la troupe convia tout l'orphelinat à une représentation gratuite. Le directeur, fort content d'offrir aux pauvres enfants un spectacle à moindre frais, accepta avec joie.
Et le soir même, sous le grand chapiteau vert à rayures orange et jaunes, entre chaque numéro où évoluaient les trapèzistes, les jongleurs et les magiciens, les lions , les tigres, les éléphants, les singes grands et petits ainsi que les otaries, un petit clown rieur et désopilant, gambadait, tourbillonnait, faisait mille tours, sous les rires des spectateurs enchantés. Ses blagues, ses pîtreries, sa joie et sa bonne humeur réjouissaient les petits orphelins. Même le directeur et les professeurs étaient transportés de joie. Cette soirée fut mémorable et resta longtemps dans la mémoire et dans le coeur de chacun.
Plus personne ne songea au petit garçon triste, mais justement! Qu'était-il devenu le petit garçon triste? Et bien il n'était plus triste le petit garçon : la nuit de la grande lumière éclatante, une bonne fée ou bien était-ce un ange, l'avait emporté dans ses bras et l'avait emmené, lui promettant à lui, qui rêvait tant d'une famille, de lui offrir la plus grande et la plus merveilleuse de toute : la famille du cirque, où il trouva chaleur, humanité et amour. Et c'est comme cela que tout naturellement, il avait trouvé sa place : celle d'un petit clown rieur, qui plus jamais ne serait triste car il avait enfin trouvé le bonheur.