serpentine!
voilà bien le terme qui me semble le plus approprié à cette journée musée.
tout y est déliés, courbes, vagues. le bâtiment tout d'abord, évoquant à mon sens les dragons articulés asiatiques, de ceux qu'on sort pour les faire danser en pleine rue, avec des sacades ironiques ou provoquantes... rouge fer et blanc immaculé, il se dessine paradoxalement sans jurer obligatoirement avec les hôtels parisiens environnants. il laisse ce qu'il faut d'ouvertures pour se faire oublier, se reflétant ici sur un immeuble de verre-miroir, laissant surgir là une alcôve d'arrière cours qui s'arcqueboute dans sa structure de fer début 20°.
j'ai comme toi, Omanium, finalement trouvé l'attente supportable, alentours les gens papotaient, ravis et je garde avec bonheur le souvenir d'une petite dame tranquille qui, urbaine, m'a partagé son parapluie en me parlant du destin des Camondo, puisque nous avions parlé musées parisiens et que je m'étais ouverte à elle sur le souvenir que ce dernier me laissait. bonheur des actes gratuits, bonheur aussi de ne pas en faire des tonnes, de se comprendre à demi-mot, rien que cela sans doute valait d'avoir affronté le temps maussade!
serpentine, la petite valse pour suivre ce chemin-jardin jusqu'à l'entrée principale du bâtiment, serpentine encore la descente vers les espaces culture, théâtre, scènes, salle des conteurs, auditorium, envahi au moment de ma venue par un plateau radio, émission des terres d'ailleurs.
serpentine encore la longue rampe d'accès aux collections que j'ai trouvé un peu sous éclairées également (ma vue est exigeante, l'âge sans doute!).
les collections... répétitions infinies des objets, à la limite parfois des stéréotypes, la vie primitive telle qu'on a pu la consulter des livres d'écoles aux magazines photoreportages.
un fait me semble important cependant: à aucun moment je n'ai ressenti l'impression de piétiner, d'être prise dans la foule, dans sa marche cadencée, son défilé bêtifiant en file indienne, passant d'une oeuvre à une autre comme dans tant d'autres galeries. magie des lieux, des découpages en alvéoles, du jeu des vitrines de verre offrant passages, imposant d'incontournables détours. je salue cette prouesse, nous devions être si nombreux en ces jours de libre-venue! j'imagine alors comme en temps d'affluence plus 'normale', on doit pouvoir avoir l'impression d'une grande quiétude, plongée presque en solitaire dans cette aventure en rouges sombres, en cuirs fauves.
à l'étage ultime, les collections temporaires et là, peut-être une rencontre. une série de photos, déjà vues, peut-être même un peu galvaudées, on construit une hutte, on soigne un enfant malade à l'aide du sang d'un chien décapité, on procède aux rituels des morts, des esprits, des saisons...
est-ce d'avoir vécu en apnée ethnologique toute la journée, mais bientôt, je suis happée par l'histoire que racontent ces images, leur commentaire réduit au minimum me laisse tout loisir d'imaginer, de deviner, de rêver(est-ce une volonté du musée, un manque encore d'organisation?, j'ai rarement vu aussi peu d'informations disponibles).
cette exposition s'appelle: "Nous avons mangé la Forêt" et célèbre tout à la fois, l'immersion de septembre 48 à décembre 49 d'un ethnologue, Georges Condominas, dans la vie du village vietnamien que la vie même de ce peuple dont il reste encore aujourd'hui des témoins de ce passage.
Qui observa qui?
il regagna sur une civière le monde des "civilisés" où l'on ne pensait pas qu'il puisse jamais survivre à cette longue expédition.
G. Condominas répond aujourd'hui quand on lui demande s'il a trouvé parmi ces gens une certaine idée du bonheur:
"... le bonheur c'est son absence qui vous fait sentir qu'il est passé. A Sar Luk, j'ai vécu sans émotion, j'avais très faim, j'étais malade, j'étais heureux."
je suis heureuse d'avoir rencontré quelqu'un qui a agi, heureuse d'avoir pu me laisser embarquer de la sorte dans son voyage, des années après, heureuse aussi de pouvoir dire:
Quai, Branly, j'ai eu froid, j'ai attendu longtemps, j'ai été heureuse!
des infos sur Nous avons mangé la forêt:
un livre:Titre : "Nous avons mangé la forêt...". Georges Condominas au Vietnam
Auteur : Christine Hemmet, Yves Goudineau
Paru le : 23/06/2006
Editeur : MUSEE DU QUAI BRANLY
Isbn : 2-915133-16-6 / Ean 13 : 9782915133165
l'expo:* 23 juin – 17 décembre 2006
Cette exposition dossier rend hommage au travail de terrain du grand ethnologue, Georges Condominas, qui a recueilli près de 500 objets entre 1948 et 1950 dans le village vietnamien de Sar Luk et dont le musée du quai Branly possède un fonds important.
Elle propose une sélection d’environ 140 pièces de formes, de matières et de fonctions très variées : de la vannerie (hottes, nasses et pièges, récipients de la maison), des instruments agricoles (coupe-coupe, haches à balancier), des instruments artisanaux (tissage, poterie) des blagues à tabac et des pipes, des jouets et instruments d'apprentissage (le monde des adultes en miniature), de très nombreux objets magico-religieux (pour exorcismes, rites agraires, sacrifices du buffle), de beaux costumes et parures d'hommes et de femmes ainsi que des instruments de musique. Cet ensemble est complété par des photographies et des documents de travail inédits : notes, croquis de terrain, enregistrements sonores, une vidéo, un film tourné en 1995 sur le retour de Georges...
la suite sur le lien suivant:
http://www.quaibranly.fr/index.php?id=812m-désolée de ne pas savoir faire court (des fois).