Dans le sage paysage de la chanson française où la formule "putain de toi" apparaît comme une injure frondeuse, le chanteur Georges Brassens revient au premier rang des insolents. Entre-temps, on aura cessé de dire P... de toi, pour écrire au long le mot naguère infamant. Anniversaire donc, que ce 29 octobre, vingt-cinq ans d'absence pour cause de décès du moustachu à la pipe.
Georges Brassens
Ce n'est pas une première : en 2001, on avait déjà allumé vingt bougies en hommage au Sétois qui repose depuis 1981 à la section 9 du cimetière Le Py, sous les pins et les cyprès, à quelques tombes de Paul Valéry et de Jean Vilar. En 1996 (pour les quinze ans de sa disparition), le grand Georges Brassens était forcément resté sourd aux trompettes de la commémoration - ce qui lui a heureusement épargné les versions de La Femme d'Hector ou Les Philistins chantés par Renaud selon les lois modernes du haut débit (Renaud chante Brassens, Virgin/EMI). Lui qui aimait tellement la lenteur !
Le cimetière que les Sétois appellent "le ramassis" domine l'étang de Thau, où Georges Brassens adorait pêcher. Né le 22 octobre 1921, ce fils de maçon devenu poète aura enregistré cent quatre-vingt-dix-huit chansons originales de sa composition. En 1991, tout juste dix ans après sa mort, Universal, sa maison de disques, lui offrait une intégrale en 13 CD.
Avec en prime, un spectacle, Génération, avec dix élèves d'Alice Dona, à Bobino. Il était sans doute trop tôt pour fêter ce monument disparu, au minimalisme désuet et encore trop présent. Georges Brassens était laissé à sa tramontane et à son mistral. Seul Maxime Le Forestier, spécialiste incontesté du répertoire de Georges Brassens, insensible à l'air du temps, continuait à le chanter. L'année 2001 sonne le grand réveil. Une nouvelle intégrale (beau coffret, belles photographies) est proposée à la vente, avec des bonus. Par exemple, Maman Papa, enregistré en 1953 en duo avec Patachou, celle par qui Georges Brassens commença d'exister. Universal définit alors sa politique de "back catalogue" : une intégrale très fouillée pour les mordus, un coffret des meilleures chansons pour les autres, et un disque de reprises commandées à de jeunes artistes afin de faire fructifier le patrimoine. Une collection vidéo suit. Le même traitement de faveur sera appliqué à Jacques Brel ou à Serge Gainsbourg.
En 2001, la jeune génération livrait Les Oiseaux de passage, quinze titres assez rock, en rupture avec l'idéologie du maître. "Je suis contre les chansons orchestrées, confiait Georges Brassens. Quand il y a trop de musiciens, on n'entend plus le texte, la voix... Et puis tu sais, quand tu chantes une chanson à un copain, il n'y a pas quarante violons cachés dans le placard."
Le succès fut à l'époque mitigé. Cinq ans plus tard, l'exercice est repris, s'intitule Putain de toi, et s'agrémente de nouveaux noms à la mode : Grand Corps Malade, Renan Luce, Olivia Ruiz, Pauline Croze ont poussé du coude Saez ou Lofofora, moins en vogue.