Dans les taches de sang qui fleurissent en mai
Les prairies de velours, on voyait autrefois
Le souvenir du temps où la guerre couchait
Par milliers les soldats, pour l'honneur ou la foi.
On eût dit que les prés verdoyants de la Somme,
Cimetières ardents, des pertes de mémoire
Voulaient nous préserver, et parlaient de ces hommes,
Débordant de jeunesse, offerts à la main noire.
Coquelicoq, avant, symbolisait la crête
Chantant au poulailler sa virile fierté,
Dont les petits enfants et les poules muettes
Se laissaient abuser par le cri emplumé,
Jusqu'au jour mérité où notre Académie
Corrigea le mot rouge afin qu'il exprimât
Le bonheur d'exister, et non la flatterie
Qu'un coq de basse-cour appelle à pleine voix.
De printemps en printemps, ses volutes de feu,
Gorgées de passion comme autant de baisers,
Dessinent dans les champs des rubis merveilleux
Sous la soie du pinceau des peintres inspirés.
Coquelicot des prés, tu es la Liberté,
Eclatante au soleil, discrète poésie.
Puisses-tu, dans nos coeurs, au moment de passer,
Témoigner des plaisirs dont tu nous as fleuris.
M.KISSINE
L'ectoplasme et l'atmosphère
ISBN 978-2-9534456-0-2