Dans la cour de l'école, aux beaux jours du printemps,
l'enfant sort de sa poche un morceau de pain blanc
garni de chocolat, cadeau de grand-maman,
puis, timide, se tient éloignée des vivants.
Comme des cris d'oiseaux, les rires s'éparpillent,
perçant sa solitude au moment délicieux
où elle va goûter l'hostie de pacotille
pressée entre ses doigts, à l'écart de leurs jeux.
Elle croise un regard qui lui donne l'envie
d'offrir son chocolat, en gage d'espérance,
venue de son coeur lourd dont la mélancolie
attriste sans raison le temps de son enfance.
Le marché semble honnête et vaut tous les discours,
quand le pain sec est doux, c'est qu'on le mange à deux.
Les sourires gourmands, ourlés du fin velours
de cacao fondu, maintenant, sont heureux.
Pour ne pas être seule au sixième avril,
partager son repas avec la main tendue
faisait, modestement, d'une offrande facile
une trêve réelle aux vides inconnus.
Les années sont venues conjuguer le passé.
Mon coeur de chocolat, déformé au soleil
fut blessé chaque fois, de printemps en été
par des mains inconnues, avares de merveilles.
L'automne a dessiné des rides à mon âme,
mais j'espère sans fin qu'un jour vous me disiez
qu'au chocolat amer vous préférez la femme
au goût de miel intense, attendant d'exister,
qu'un jour vous posiez simplement vos deux mains
sur mon coeur vieillissant, dont chaque battement
chante l'envie d'aimer, pour que nos lendemains
réchauffent l'hiver blanc de soyeux vêtements.
M.KISSINE
L'ectoplasme et l'atmosphère