L'an dernier j'ai souhaité
A chacun la santé
Pas de chance :
La mienne est partie en vacances.
(Mais ne tombez pas malades,
Je n'irai pas mieux pour autant,
Au contraire, je crains ces escalades).
J'ai souhaité le travail
A ceux qui n'en ont pas :
Bernique, quelle pagaille
Les travaux en hauts lieux
Sont bons à mettre au feu
Et les autres, modestes,
Sont partis avec le reste
De mes voeux en bataille.
J'ai souhaité de l'amour,
Dans toutes les maisons,
Dans tous les pays,
Et il y a toujours
Des maisons vides, sans raison,
Et, dormant sous les ponts,
Autant de sans-abri,
Et il y a toujours
Tant de coups de canons...
Où est-il Cupidon
J'ai deux mots à lui dire
Sans blague, quel cauchemar, il délire.
Faut que j'arrête, absolument
De faire des voeux de nouvel An :
Soit je parle trop bas,
Soit je me suis trompée
D'au moins deux mille ans,
Mais quelque chose ici-bas
Ne fait que retourner
Mes voeux, pour s'amuser
Avec mes souhaits, c'est indécent.
©M.KISSINE
Virus
Il est arrivé en avance pour dire :
C'est fini maintenant, c'est à moi de sourire
Tu croyais festoyer avec quelques amis
Oui, mais c'est avec moi que cette année finit.
Tu trembles, tu as froid ? Viens t'allonger vers moi :
Un microbe, un virus, ça tient chaud sous le drap.
Viens, et ferme les yeux, la nature commande
A ton Sylvestre même, en dépit des demandes,
Des voeux conventionnels et des souhaits sincères
L'année se termine, quoi, en voilà une affaire !
Tu es vivante, toi, qui sens un peu partout
La douleur dans ton dos, tes épaules, ton cou.
Pas de tango, ce soir, et pas de cotillons
Mais des troupeaux sans fin de blancs, tout blancs moutons.
Je suis bon camarade, il faut le reconnaître
Et te tiens compagnie dans la jolie lumière
De la bougie qui danse à côté de ton lit.
Endors-toi si tu veux, moi j'attendrai minuit
Pour donner mon aubade à cette année ingrate
Qui de peu a manqué écrire sous la date
Dernier jour, aujourd'hui : sainte Grippe :
Sylvestre, mouche-toi, ne fais pas cette lippe
Demain est jour de l'An, le grand jour du sureau
Qui soigne, soi-disant, et, qui sait, s'il fait beau,
Tu te rappelleras ce tour de sablier
Quand je serai parti ailleurs me propager.
©M.KISSINE